La Cour suprême des États-Unis a bloqué la tentative de Donald Trump d'envoyer la Garde nationale à Chicago, l'administration n'ayant pu démontrer de base légale. C'est une limitation importante du pouvoir présidentiel.
Un revers juridique majeur pour l'administration Trump
Dans une décision importante qui teste les limites du pouvoir présidentiel, la Cour suprême des États-Unis a bloqué la tentative de l'ancien président Donald Trump d'envoyer des troupes de la Garde nationale à Chicago. La décision de la Cour, rendue fin décembre 2025, représente une défaite juridique majeure pour l'administration Trump et confirme l'autorité des gouvernements des États et locaux sur les déploiements militaires intérieurs.
L'ordre non signé de trois pages de la plus haute juridiction du pays a établi que l'administration 'n'a pas pu identifier de pouvoir légal permettant à l'armée d'appliquer les lois dans l'Illinois.' Cela marque la deuxième défaite de l'administration devant la Cour en seulement quatre jours, soulignant les tensions persistantes entre le pouvoir exécutif et le contrôle judiciaire.
La bataille juridique sur le pouvoir fédéral
L'affaire concernait la tentative de Trump d'envoyer environ 300 membres de la Garde nationale à Chicago, invoquant des besoins de lutte contre la criminalité et d'application des lois sur l'immigration. L'administration a soutenu que les agents fédéraux avaient besoin d'une protection contre ce qu'elle a décrit comme des 'attaques potentiellement mortelles' dans les installations de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE).
Cependant, la Cour suprême a déterminé que le terme 'forces armées régulières' dans la loi fédérale se réfère probablement à l'armée permanente, et non aux agents fédéraux comme l'ICE. Plus fondamentalement, les juges ont estimé que le pouvoir présidentiel de fédéraliser la Garde nationale ne s'étend pas à la protection du personnel chargé de l'application des lois sur l'immigration dans ce contexte.
Le maire de Chicago, Brandon Johnson, a salué la décision, déclarant : 'Cette décision confirme ce que nous avons toujours dit - Chicago n'est pas une ville sans loi, et nous n'avons pas besoin d'une intervention militaire pour assurer la sécurité de nos communautés.' Le gouverneur de l'Illinois, JB Pritzker, a fait écho à ce sentiment, soulignant que 'la Garde nationale ne doit pas être utilisée comme un outil politique contre les villes qui s'opposent à la politique fédérale d'immigration.'
Les juges conservateurs divisés
Dans une scission remarquable parmi les juges conservateurs, la décision de la Cour a compté trois dissidents : les juges Samuel Alito, Clarence Thomas et Neil Gorsuch. Le juge Alito a soutenu dans son opinion dissidente que 'la protection des agents fédéraux contre des attaques potentiellement mortelles ne doit pas être entravée' par des arguties juridiques.
D'autres juges conservateurs nommés par Trump - dont Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett - se sont cependant joints à la majorité pour rejeter le déploiement. Les analystes juridiques notent que cette division suggère que même les juges nommés par Trump sont prêts à freiner les abus du pouvoir exécutif en matière de déploiement militaire intérieur.
La décision laisse ouverte la possibilité que Trump puisse encore invoquer la Loi sur l'insurrection de 1807, qui offre un pouvoir présidentiel plus large pour déployer des troupes à l'intérieur du pays. Cela nécessiterait cependant de déclarer une insurrection - un seuil juridique beaucoup plus élevé que l'administration n'a jusqu'à présent pas voulu franchir.
Les statistiques criminelles racontent une autre histoire
La décision de la Cour suprême intervient dans un contexte de récits contradictoires sur la criminalité à Chicago. Selon les données du département de police de Chicago, la ville a connu des baisses significatives de la criminalité en 2025 :
- Meurtres : 33% de moins par rapport à 2024
- Tirs : réduits de 38%
- Crimes violents globaux : en baisse de 21,6%
- Vols à main armée : 31,9% de moins
- Vols de véhicules : réduits de 49%
L'administration du maire Johnson attribue ces améliorations à des stratégies de sécurité globales comprenant le doublement des professionnels de la santé mentale pour les crises, l'augmentation de 47% des emplois d'été pour les jeunes et le renforcement des partenariats entre la police et les groupes d'intervention communautaire contre la violence.
Les données du FBI compliquent davantage le récit de Trump. Selon une analyse récente, le taux de crimes violents de Chicago, de 540 pour 100 000 habitants, est en réalité inférieur à celui de plusieurs autres grandes villes, dont New York (671) et Los Angeles (728). Houston arrive en tête avec 1 148 crimes violents pour 100 000 habitants.
Implications plus larges pour le pouvoir présidentiel
Cette décision établit d'importants précédents juridiques qui limiteront probablement les futures tentatives présidentielles de déployer des forces militaires à l'intérieur du pays. Comme le note une analyse de SCOTUSblog, la décision 'rendra probablement plus difficile pour l'administration de déployer des troupes de la Garde nationale dans d'autres villes comme Portland avec la même justification juridique.'
L'affaire souligne également la structure complexe de double contrôle de la Garde nationale, qui opère sous l'autorité à la fois des États et du gouvernement fédéral. Normalement, les gouverneurs contrôlent les unités de la Garde nationale dans leurs États, à moins qu'elles ne soient fédéralisées pour des missions spécifiques.
Trump avait précédemment déployé des troupes de la Garde nationale dans d'autres villes progressistes, à majorité démocrate, dont Washington DC, Portland et La Nouvelle-Orléans - des lieux où des manifestations importantes contre sa politique d'immigration ont eu lieu. Cependant, comme la Cour suprême l'a noté dans sa décision, ces déploiements 'n'ont eu aucun effet notable sur les statistiques criminelles dans ces villes.'
Et maintenant ?
Bien que cette décision représente une victoire importante pour les responsables de Chicago et de l'Illinois, les experts juridiques avertissent que la bataille n'est peut-être pas terminée. La décision de la Cour a spécifiquement noté que Trump pourrait potentiellement l'emporter à un stade ultérieur s'il 'démontre mieux que le déploiement de la Garde est réellement nécessaire.'
Pour l'instant, la décision renforce les principes constitutionnels de fédéralisme et de séparation des pouvoirs. Elle envoie un signal clair que même avec une majorité conservatrice à la Cour (six des neuf juges ont été nommés par des présidents républicains), il existe des limites au pouvoir exécutif en matière de déploiement militaire intérieur.
La décision a également des implications pratiques immédiates : Chicago continuera à mettre en œuvre ses stratégies de sécurité globales sans intervention militaire, tandis que l'administration Trump doit reconsidérer son approche de l'application des lois sur l'immigration dans les villes qui résistent à la politique fédérale.
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